16

Loin en dessous du Faucon, l’étendue dorée du plus large anneau de Qoribu scintillait de mille feux sous les décombres étincelants qui tombaient à deux doigts de la lune pourpre de Nrogu, avant de disparaître dans la pénombre crépusculaire du versant caché de la planète. A l’arrière-plan, au-delà du croissant vert et fantomatique de la lune Zvbo, les premières traînées ioniques de vaisseaux Chiss formaient comme une dentelle bleutée au beau milieu du vide cosmique parsemé d’étoile.

— Ils sont enfin visibles à l’œil nu, observa Leia. Ils ont même agrandi le terrain de recherches. Je distingue des traînées ioniques de chaque côté de l’anneau. Certaines à trente degrés seulement.

— Génial, rétorqua Yan d’un ton sarcastique. Les Chiss risquent d’être en pleine forme.

— Qu’est-ce qui vous fait croire ça ? demanda Juun. (Il était assis sur l’un des sièges passagers et agaçait prodigieusement Yan en regardant constamment par-dessus son épaule. Heureusement, Tarfang avait été transféré à bord de l’Ombre, où Tekli allait soigner ses blessures.) C’est parce qu’ils risquent d’avoir du mal à retrouver leurs survivants, c’est ça ?

— A ton avis, gros malin ? le coupa Yan d’une voix encore plus sarcastique.

— La procédure, répondit fièrement Juun. Ils ont accru leur rayon de recherches. Pourquoi les protocoles Chiss seraient-ils différents des nôtres ?

— Tu es vraiment futé pour un Sullustéen.

— Je vous remercie, fit Juun. Venant de Yan Solo, je prends cela comme un compliment.

— Ouais, dit Yan. C’est ça.

Il tira sur la manette des gaz et le Faucon commença à grimper en flèche et à s’éloigner de l’anneau. Leia ressentit immédiatement émaner une sensation de surprise en provenance de leur escorte, composée de Jaina, Saba, Alema et Zekk.

— Nos FurtiXs se demandent ce que tu es en train de faire, déclara Leia. A vrai dire, moi aussi.

— On n’est pas équipés de leur technologie, expliqua Yan. Et si les Chiss nous surprennent en train de fouiner, ils sont capables de tirer avant de poser les questions.

— Un peu comme lors de l’insertion Talu dans la campagne Zsinj, fit remarquer Juun. Le Faucon va faire office de leurre pour permettre aux FurtiXs de pénétrer le périmètre ennemi.

— Pas vraiment, fit Yan.

— Non ? demanda Juun, tout penaud. Pourquoi pas ?

— Parce que tu ne peux pas fourrer un Wookie dans la soute d’un FurtiX, indiqua Yan. On va donc se contenter de voler jusqu’à eux et de récupérer Lowbacca nous-mêmes.

— Et vous croyez que les Chiss vont permettre une telle chose ? s’étonna Juun.

— Bien sûr. Yan se tourna furtivement vers Leia et ajouta : Leia va leur parler, n’est-ce pas ?

— Ah bon ? s’étonna Leia.

— Oh, s’il vous plaît ? fit Juun. J’ai hâte de vous voir à l’œuvre.

— Moi aussi, ironisa Leia.

Cette dernière mit ses doutes de côté et entra en contact avec Jaina et les autres à travers la Force. Bien qu’elle ait connu quelques expériences de fusion mentale à la fin de la guerre, elle n’était pas vraiment douée pour ce type de communication. Et elle ne ressentait que confusion et inquiétude. Voyant qu’elle n’avançait pas, elle mit un terme à ces vaines tentatives et se concentra seulement sur trois mots :

Faites-moi confiance.

Les quatre pilotes, instantanément rassurés, s’écartèrent du Faucon, et naviguèrent le long des bandes sombres des anneaux afin d’éviter de se faire repérer. Leia secoua la tête, fermement décidée à s’entraîner davantage et la Force s’emplit d’encouragements.

— Jaina et les autres semblent OK avec le nouveau plan, déclara Leia. Enfin, je crois.

— Excellente nouvelle. (Yan se stabilisa à environ dix kilomètres au-dessus de l’éclipse de la planète et dissimula le Faucon dans le brouillard grisâtre de la pénombre.) Mais dis-moi, ça ne te semble pas un peu trop facile ?

— Pas spécialement, répondit Leia. Nous ignorons toujours comment vont réagir les Chiss et…

— Je ne te parle pas d’eux, reprit Yan. Jaina. Elle n’abandonne pas facilement.

— Je suis sûr qu’elle sait que vous avez raison, observa Juun. N’importe quelle fille écouterait un père aussi expérimenté que vous.

— Je crains que les humains soient bien plus complexes que ça, fit Leia. Et Jaina est la plus complexe de toutes. Aussi têtue que son papa.

— Merci, fit Yan d’une voix fière. Elle prépare un truc, j’en suis sûr.

— Probablement, admit Leia. Mais pour le moment, nous devons à tout prix retrouver Lowbacca. Après ça, on pourra la ramener à la maison. De force, si nécessaire.

— De force ? On a abandonné cette option depuis qu’elle a dix ans. Il s’agit de Jaina, tu te souviens ? La Fine Lame des Jedi ?

— Oui, répondit Leia. Mais je resterai toujours sa mère. J’ai encore le droit de faire ce qu’il se doit d’être fait.

Yan l’étudia quelques instants, puis il lui adressa un sourire en coin avant de hocher la tête.

— Ouais Princesse, je suppose que tu peux le faire.

— Que nous pouvons le faire, rectifia Leia. On est ici tous les deux, beau gosse. Ce n’est pas comme la fois où tu m’as laissé m’occuper seule de ce lécheur de bottes qu’elle nous avait ramené à la maison.

— C’était Zekk, ma chérie, dit Yan.

— Je sais parfaitement qui c’était, rétorqua Leia. Si je n’étais pas intervenue, Jaina serait partie vivre dans les bas-fonds avec lui. Et il a fallu que j’envoie ce type à l’académie Jedi pour qu’elle reste là.

— OK, admit Yan. Mais Jaina n’a plus treize ans. Si elle ne veut pas partir…

— Tu ne proposes quand même pas de la laisser rester ? remarqua Leia. Je vous connais trop bien Monsieur Solo.

— Il se peut juste qu’on n’ait pas le choix. Jaina m’a l’air bien décidée. Je l’ai vu dans ses yeux quand Luke lui a demandé de retourner à la maison.

— Moi, je n’ai vu que déception et méfiance, fit remarquer Leia.

— C’est ce que je dis, fit Yan. Jaina ne va pas lâcher le morceau. Elle ne s’est sûrement jamais sentie aussi pure.

— Je ne te suis pas, Yan.

— Ecoute, Jacen et Jaina ont été élevés à la dure, expliqua-t-il. Ils ont grandi en nous regardant essayer de maintenir la stabilité de la Nouvelle République et passer des marchés en bons politiciens.

— C’est parce que nous formions l’ordre établi, rétorqua Leia, un peu sur la défensive. Il est plus difficile de préserver le statu quo que de le renverser.

— Exactement ce que je pense, poursuivit Yan. Ces gosses ne connaissent que le compromis. Ils n’ont jamais eu de vraie cause simple à défendre.

— Il y a bien eu les Jedi Obscurs et l’Alliance de la Diversité, riposta Leia. Et puis aussi les Yuuzhan Vong. C’était plutôt clair.

— Ouais, plein de trucs à combattre, observa Yan. Moi je te parle de quelque chose à défendre. Quelque chose de pur à construire. Aucun de ces jeunes Jedi n’a jamais rencontré ça.

— Tu veux dire qu’ils n’ont pas connu les heures glorieuses de la Rébellion ?

— Exact, répondit Yan. Les Killik sont des opprimés pacifiques qui font leur propre business en territoire neutre. Et les Chiss essaient de les affamer. On est dans le pur cas de figure des forts contre les faibles. Pour peu, ça me donnerait presque envie de combattre avec eux.

— Mais tu ne vas pas le faire, n’est-ce pas ?

— J’ai dit presque. Je me mets juste dans la peau de Jaina.

— Quel soulagement, dit Leia. Pendant une minute, j’ai vraiment cru que tu allais accepter qu’ils restent à la Colonie.

— Quand les trous noirs brilleront, ouais ! ironisa Yan. Je veux juste qu’ils croient que c’est leur choix. Je ne veux surtout pas éteindre leur étincelle. Jaina avait exactement l’air que tu avais quand je suis venu te sauver au cœur de l’Etoile de la Mort.

— Tu ne m’as pas sauvée ! Tu es juste tombé dans le piège de Dark Vador. Pire, tu as laissé les forces impériales foncer droit sur la base Rebelle de Yavin Quatre.

— Non, rectifia Yan. J’ai conduit l’Etoile de la Mort direct dans un piège Rebelle. Sans moi, ce truc immonde naviguerait encore au milieu de la galaxie.

— Vraiment ? intervint Juun du poste de navigateur. Ils ne le mentionnent aucunement dans Sauvetage Spécial.

Yan cligna légèrement des yeux, et se tourna vers le Sullustéen.

— T’es encore là, toi ?

— Affirmatif, lui répondit Juun. Un membre d’équipage n’abandonne jamais son poste sans autorisation.

— Tu n’es pas un membre d’équipage, rétorqua Yan.

A l’extérieur de la verrière, Leia aperçut un enchevêtrement de halos bleutés qui commençaient à grossir dans l’obscurité créée par l’ombre de Qoribu. Elle vérifia son écran tactique et distingua deux formations de chasseurs stellaires en train de se diriger droit sur eux.

— Yan ! s’exclama Leia en lui agrippant l’épaule. On a de la compagnie !

Avant qu’il ait le temps de se retourner, les halos avaient pris la forme de cockpits de vaisseaux griffes surarmés.

— C’n’est pas trop tôt, déclara Yan en indiquant l’unité com à Leia. Qu’est-ce que tu attends ? Glisse-leur donc deux mots.

 

Dans son rêve, Lowbacca se trouvait au cœur de la Forêt de l’Ombre avec son oncle Chewbacca, en train de se frayer un chemin parmi les branches sombres de wroshyr en direction de la muraille verte que constituait le Puits des Morts. Bien que le feuillage particulièrement touffu du Puits ne semblât plus qu’à deux cents mètres devant eux, les deux Wookies étaient absolument incapables de l’atteindre. Ils continuaient simplement de courir, piétinant des parcelles de mousse de sloth tout en bondissant au-dessus des longues épines de kkekkrrg rro qui pointaient et leur balafraient les chevilles. Tous les dix mètres, Chewbacca posait sa main puissante sur l’épaule de Lowbacca et l’encourageait dans un râle. Mais les mots étaient difficilement déchiffrables et le seul réconfort provenait du contact si familier et fort de son oncle.

Mais cette fois, il ne s’agissait pas de Chewbacca. La sensation était tout aussi familière, mais plus légère. Pas du tout celle que procurait un Wookie. On aurait plutôt dit un contact humain. Celui d’une femme.

Jaina.

Quand avait-elle appris à grimper aux arbres wroshyr ?

 

— Vous êtes ici pour quoi ? demanda la voix Chiss dans l’unité com.

— Je répète, répondit Leia. Nous sommes venus vous aider à chercher les survivants.

— Les survivants Jedi ? reprit la voix.

Les six vaisseaux griffes s’étaient positionnés juste derrière le Faucon. Avec Leia occupée à discuter, Yan avait eu du mal à convaincre les Noghri de ne pas activer manuellement les tourelles à canons toujours hors d’état.

— Négatif, répondit Leia. Tous les Jedi ont été localisés. Nous sommes venus vous aider à retrouver des survivants Chiss.

— Vraiment ? (L’officier semblait incrédule.) L’Empire Chiss a suffisamment de ressources pour s’en charger seul. Vous pouvez par conséquent retourner à votre base.

— Je persiste à dire que vous avez besoin de nous.

— Me traitez-vous de menteur, Faucon ? demanda le Chiss.

— Non. Nous remarquons simplement que les recherches n’avancent vraiment pas vite, répondit Leia. Veuillez donc, s’il vous plaît, ne pas m’insulter en disant que vous maîtrisez la situation.

— Et moi, je vous conseillerais de quitter les lieux sur-le-champ. Nous n’avons pas besoin de votre aide.

— Négatif, dit-elle. Nous insistons.

— Maintenant, c’est vous qui m’insultez, réagit l’officier. Quel que soit votre intérêt à rester ici, je doute qu’il concerne les Chiss. Retournez d’où vous venez, ou je serais contraint d’ouvrir le feu.

— J’en doute fort, reprit Leia. Si vous ignorez qui est aux commandes du Faucon Millennium, vos supérieurs, eux, le savent. Les Chiss ne vont pas abattre un ancien Chef d’Etat de la Nouvelle République et accessoirement sœur jumelle de Luke Skywalker.

Plusieurs tirs de canons illuminèrent la verrière du Faucon.

— N… nous devrions peut-être leur obéir, non ? marmonna Juun. Ils n’ont p… pas l’air de p… plaisanter !

— Tu as encore beaucoup à apprendre, mon gars, observa Yan. S’il avait été sérieux, tu aurais déjà enfilé ton scaphandre.

— Je vois, fit Juun d’une voix pleine d’admiration. Vous avez une copie de leur manuel de procédures !

Yan baissa les yeux et secoua la tête, dépité.

— C’était notre seul avertissement. La prochaine fois, nous vous abattrons, déclara l’officier au bout de quelques secondes.

— Simple question : combien vous faudrait-il de Jedi dans ce système ? répliqua Leia. Ce n’est plus une opération non autorisée. Maître Skywalker a déjà obtenu que des Chevaliers repartent à ses côtés. Je doute que vos supérieurs souhaitent que mon frère dresse un nouveau rapport de la situation auprès de l’Ordre Jedi et du Chef d’Etat Omas, n’est-ce pas ? Allez, laissez-nous vous aider quoi ?

Il y eut un bref silence, puis le Chiss demanda :

— Quels sont les Chevaliers qui sont partis avec Maître Skywalker ?

— Luke et Mara sont partis avec Tesar Sebatyne, Tekli, mon fils Jacen et Tahiri Veila, indiqua Leia. Nous avons l’intention d’emmener le reste de l’équipe avec nous.

— Vous nous donnez votre parole ? demanda le Chiss.

— Absolument. Mais à condition que les Chiss cessent de forcer la Colonie à quitter Qoribu, répondit Leia. Dans tous les cas, nous laisserons un Jedi expérimenté sur les lieux pour contrôler la situation.

Il y eut une nouvelle pause et le Chiss déclara :

— De toute évidence, il me manque l’autorité pour négocier au nom de l’Empire Chiss.

— Nous sommes d’accord, fit remarquer Leia.

— Mais je vais faire part de votre offre à l'Aristocra approprié. D’ici là, nous sommes honorés d’accepter votre proposition. Veuillez procéder à l’échange des coordonnées. Je les transmettrais et établirais une grille de recherche de deux kilomètres.

— Enregistré, fit Leia. Et merci de votre coopération.

— Mon commandant me demande également de vous exprimer sa gratitude, répondit l’officier. Fin du message.

Les coordonnées défilèrent sur l’écran de navigation.

— Peu de chances que nous trouvions qui que ce soit par ici, se plaignit Juun. C’est pratiquement hors orbite !

— Dis-moi Juun, fit Yan. Tu es supposé être un contrebandier ?

— Je suis un contrebandier, s’indigna le Sullustéen. Du moins, jusqu’à ce que je perde le XR.

— Dans ce cas, tu devrais savoir qu’on ne va nulle part. On va juste faire semblant, lui apprit Yan.

 

Lowbacca ouvrit les yeux et ne perçut qu’une vaste obscurité. Il se trouvait loin au-dessus de Qoribu, en train de trembler à l’intérieur de son scaphandre d’évacuation glacial, et amarré à un gros morceau de glace et de poussière de la taille d’un ronto en plein cœur du système d’anneaux de la planète. Les ténèbres alentour étaient parfois illuminées par les aiguilles bleutées d’une décharge ionique – provenant des navires de secours Chiss – et une pluie régulière de débris plongeait en cascade dans l’épaisse atmosphère du géant de gaz.

Jaina continuait de toucher Lowbacca avec la fusion mentale, en l’aidant à combattre la solitude et le désespoir qu’elle-même avait connus lorsqu’elle s’était évadée de Kalarba. Alema lui assura qu’ils allaient bientôt venir le chercher. Zekk se faisait du souci pour ses réserves d’oxygène. Les données sur le cadran facial de son casque indiquaient que les batteries étaient au minimum. Plus d’eau et plus que trente minutes d’air. Une autre présence le somma de rester éveillé et de se tenir prêt.

Lowbacca crut un instant qu’il s’agissait de Tesar, mais la présence était plus âgée, plus féroce et moins familière…

Saba ! Prépare-toi !

Il n’y aurait pas de seconde chance.

Lowbacca désengagea l’attache de sa manche et plaça son pouce sur le bouton d’évacuation d’urgence. Il était fin prêt.

Avec son autre main, il se cala contre la boule de glace et utilisa un éclat d’obus pour effectuer une vrille inversée, tout en fixant le halo d’un vaisseau à l’approche. Il distingua seulement les traînées ioniques de l’appareil qui passa en oblique et une silhouette obscure lui fit soudain face, à environ une centaine de mètres. La verrière du navire et l’un de ses bras armés dépassaient au-dessus de la masse de boules de glace que composait le système d’anneaux de Qoribu.

Cela devait sûrement être une épave vide. Ou alors Lowbacca était victime d’hallucinations. Son scaphandre d’évacuation régla automatiquement sa consommation d’oxygène au minimum, lui fournissant suffisamment d’air pour le maintenir éveillé.

Le Wookie se fit doucement dériver en direction de Qoribu, gardant un œil sur le niveau d’oxygène. Il distingua une nouvelle silhouette sombre à la même distance que la précédente. Mais cette fois, l’appareil arrivait droit sur lui. Une explosion en provenance de Qoribu illumina brièvement le cockpit, révélant une tête casquée.

Lowbacca sentit soudain un froid glacial s’insinuer en lui. Il se plongea au cœur de la Force et réalisa qu’il était entouré de présences vivantes.

Des présences Chiss.

 

Leia prépara leur nouveau plan de vol et le transféra sur l’écran de Yan.

— C’est ici, je pense.

Yan observa les informations.

— Tu penses ou tu es sûre ?

— Sûre ? répéta Leia d’une voix perçante. Qu’est-ce que tu crois ? Que les coordonnées me sont apparues comme ça ?

Le schéma de navigation indiquait un point de destination jaune sur la bordure intérieure de l’anneau de Qoribu, situé à l’extrême opposé de la zone de recherche qu’on venait de leur assigner.

— Pardon de demander, fit Yan. Mais on n’y va qu’une seule fois.

— Contente-toi de foncer, Yan. Quelque chose ne tourne pas rond.

Yan fit pivoter le Faucon, poussa la manette des gaz et activa l’unité com.

— A vos postes de combat, les gars, ordonna Yan. Ça risque de se corser.

— Nos postes de combat ? répéta Juun. Dois-je vous rappeler que les tourelles ne fonctionnent pas ? Vos artilleurs risquent de ne rien dégommer du tout !

— Garde un peu la foi, bonhomme, rétorqua Yan. Tu serais surpris de voir de quoi les Noghri sont capables.

— Ça s’est déjà produit avant ?

— Bien évidemment, fit Leia qui n’écoutait qu’à moitié. C’est toujours au moment où on en a le plus besoin que les choses se cassent.

A sa grande surprise, les Chiss ne leur demandèrent pas tout de suite les raisons du changement de cap du Faucon. En réalité, elle ne détecta aucun signe de suspicion.

— Les Chiss sont étrangement calmes, remarqua Yan. Faudrait mieux lancer une analyse de capteur. Mais ne l’active pas maintenant. Nous maintenons notre trajectoire.

— Bonne idée, répondit Leia, vaguement vexée que Yan ait osé s’immiscer dans ses devoirs de copilote. On trouve des concentrations plutôt inhabituelles de masse, mais aucune émanation électromagnétique, ni aucune propulsion.

Yan lui adressa un sublime sourire en coin.

— Tu as lu dans mes pensées, avoue-le ?

— La Princesse Leia est capable de lire dans les pensées ? demanda Juun d’une petite voix à la fois inquiète et embarrassée.

— Bien sûr, répondit Yan. Tous les meilleurs copilotes le font.

— En parlant de lire dans les pensées. Je peux obtenir cette vision infrarouge à laquelle tu pensais, dit Leia. Trop de radiations en provenance de Qoribu.

— Pas bon du tout, répondit Yan. Et les Chiss n’envoient pas…

C-3PO fit son apparition dans la cabine de pilotage.

— Capitaine Solo, vous deviez avoir oublié les tourelles lorsque vous avez parlé de postes de combat, déclara le droïd. Nous devrions tourner en rond, avant qu’il n’arrive quelque chose de grave. Ce serait plus sûr.

— Juun ! s’écria Yan. Tu sais comment éteindre ce tas de ferraille ?

— Bien sûr.

— S’il parle encore de tourner en rond ou de malédiction, tu me le déconnectes.

— A vos ordres, Capitaine.

— Je vous en prie, ne faites pas ça ! supplia C-3PO. Mes pauvres circuits ont déjà été hautement détériorés par les déconnexions intempestives du Capitaine Solo. Et la folie ambiante n’arrange pas les choses.

Juun se leva de son siège et C-3PO fit un pas en arrière.

— Ce n’est pas nécessaire, implora-t-il. Je me montrerai courageux, je vous le jure… Conduisez-nous sur cette planète et vous n’entendrez plus aucun mot de moi.

— L’offre est tentante, grommela Yan.

Remarquant finalement le changement de trajectoire du Faucon, le contrôleur de vol Chiss établit la communication.

— Faucon Millennium, ceci est un message de Sauveteur Numéro Un. Veuillez expliquer votre changement de cap.

Leia se pencha pour lui répondre mais finit par rabaisser le bras.

— Voyons voir s’ils sont sérieux.

— Les Chiss ? demanda Yan. Tu veux savoir si les Chiss sont sérieux ?

— J’ai une idée, dit Leia. Fais-moi juste…

— … confiance, fit Yan. Je sais.

Juun écarquilla les yeux.

— Tout le monde lit dans les pensées à bord de ce vaisseau, ou quoi ? demanda Juun.

— Malheureusement, confessa C-3PO. Je n’ai pas ce talent.

Le Faucon poursuivit sa course vers la toile de traînées ioniques qui contrastait avec la face obscure de Qoribu. Puis la voix du contrôleur se fit de nouveau entendre.

— Faucon Millennium, je vous le demande une nouvelle fois. Veuillez expliquer votre modification de trajectoire.

— Ils craignent de nous faire fuir, dit Leia.

— C’est un piège, acquiesça Yan.

— Faucon Millennium. Si vous refusez de répondre, nous devrons…

— Excusez-nous les gars, dit Yan en activant son propre micro. On est un peu débordés par ici.

— A quoi faire ?

— Euh, nous pensons avoir localisé quelques survivants, déclara Yan dans l’unité com. C’est pourquoi on ne vous répondait pas. On était trop occupés à préparer le matériel.

— C’est étrange, nous n’avons détecté aucun survivant sur votre trajectoire, fit remarquer le Chiss.

— On est trop prêt, fit Yan. Et, euh, vous n’avez pas de Jedi à bord.

— Un Jedi les a trouvés ? Il y eut une courte pause, puis le Chiss ajouta : Très bien. Vous pouvez continuer.

Yan coupa la communication.

— C’est bien ce que je pensais. Il se joue de nous, observa-t-il. Tu as prévenu Jaina ?

— Elle est déjà au courant. (L’estomac de Leia était aussi vide et froid que l’obscurité qui régnait de l’autre côté du cockpit.) Mais elle s’en fiche.

 

Lowbacca ne pouvait bien évidemment pas distinguer les FurtiXs, mais il pouvait sentir leur présence. Ils étaient à peine à mille kilomètres de lui, convergeant des quatre côtés, à toute allure.

Non ! s’écria Lowbacca dans la fusion mentale. C’est une embuscade !

Il y avait, en effet, toute une escouade dissimulée dans les décombres et impatiente de se jeter sur les Jedi à l’approche.

La frustration de Jaina s’immergea dans la Force, et la colère de Saba s’intensifia, en réaction. Mais Lowbacca put sentir Jaina qui préparait ses armes et calibrait ses cibles, fermement décidée à chasser les Chiss en masse. La Fine Lame des Jedi n’était pas du genre à abandonner facilement. Pas quand il restait une once d’espoir.

Lowbacca sut ce qu’il lui restait à faire. Il tourna son poignet, puis ouvrit la capsule de sécurité située sur la manche intérieure de son scaphandre d’évacuation, révélant l’activateur du signal d’urgence.

 

— Ça risque de mal tourner, Yan, observa Leia.

— Mal comment ? demanda Yan en armant les missiles.

— Pire que tu ne le crois.

Jaina avait perdu beaucoup trop d’êtres chers pendant la guerre – Anakin, Chewbacca, Ganner, Ulaha et ainsi de suite – et elle n’avait pas l’intention que ça se reproduise.

Soudain, le ping régulier d’un signal d’urgence se fit entendre dans les haut-parleurs d’urgence du Faucon. Leia jeta un œil sur son écran tactique et y vit un petit point jaune clignotant suivi d’un nuage blanc de vaisseaux griffes. La frustration de Jaina se mua en état de choc.

— Lowie ! s’écria Leia à la fois attristée et soulagée. Dieu soit loué !

Elle ressentit un bref moment de chaleur au cœur de la Force, puis le sentiment disparut lorsque Lowbacca coupa définitivement le contact.

— Alors ? demanda Yan en se tournant vers elle.

— C’est fini, répondit Leia. (Elle atteignit Jaina et perçut la déception de sa fille ainsi que la fureur de Saba.) Ils font marche arrière.

— Ça me paraît une bonne idée. L’équipe de secours a fait le maximum. J’espère que Jaina en a conscience, dit Yan.

— Moi aussi, Yan, fit Leia. Mais je ne pense pas…

Elle fut interrompue par le contrôleur de vol Chiss.

— Faucon Millennium, qu’en est-il de vos survivants ?

— Nos survivants ? (Leia sembla quelque peu perdue, mais elle reprit rapidement ses esprits.) Je pense que vous savez de quoi il retourne, Sauveteur Numéro Un.

Il y eut une légère pause, puis une voix grave et familière se répercuta dans l’unité com.

— Mes excuses, Princesse Leia. Je voulais simplement vérifier si j’avais bien saisi la situation.

Leia resta interloquée. Elle se tourna pour voir que Yan était exactement dans le même état.

— Jag ? demanda-t-elle. Jagged Fel ?

— Lui-même, répondit leur interlocuteur.

— Jag ! s’écria Yan. Bon sang, mais qu’est-ce que tu fiches là ?

— La direction des services secrets militaires risque d’en être informée, Capitaine Solo, rétorqua Jag. Mais soyez rassuré, le Jedi Wookie a été récupéré. Il sera traité avec tous les droits et privilèges réservés à un prisonnier de guerre. Tout comme le seront ces fripouilles de jeunes Jedi, une fois que nous les aurons capturés.